Dans les méandres du confinement : pensées depuis le canapé

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Voyage en espace réduit, le confinement nous met face à nos miroirs et à notre responsabilité. Il nous laisse le temps et le loisir d’observer, de réfléchir, de prendre du recul, de considérer. Considérer ce qu’il se passe chez nous, en nous, autour de nous, ici, ailleurs, partout. Le confinement nous impose cette position critique et inconfortable, à un moment ou à un autre lors de ces longues semaines que nous n’avions pas prévues. Une opportunité ? L’occasion de nous poser les bonnes questions ? Ou un fléau à porter et à traîner au-delà de cette période ? Serons-nous dé-confinés plus libres et plus responsables ou plus abîmés et marchant vers des horizons plus restreints et plus sombres ?

Confinés pourquoi et pour qui ?

Confinement choisi ou subi ?

J’aimerais croire qu’à travers ce confinement, les hommes du monde entier sont rassemblés dans la même intention salvatrice de leur espèce et dans la bienveillance pour leurs pairs. J’aimerais penser que cette période est l’occasion d’honorer l’universalité en nous, l’égalité entre les êtres et la solidarité de chacun envers tous. J’aimerais que nous soyons confinés dans une attitude de recueillement, d’espoir pour la planète qui nous accueille et pour ses habitants. J’aimerais que nous nous sentions volontaires et engagés dans ces mesures prises à travers le monde pour endiguer cette crise sanitaire.

J’aimerais que les fondements du confinement soient d’une intentionnalité transparente, entièrement dévolus au mieux-être de tous et au respect des droits de l’homme et du vivant. J’aimerais que nous nous sentions tous faire partie de façon responsable d’un mouvement juste et porteur d’avenir. Que nous sentions que nous avons tout à y gagner, rien à y perdre, et que les difficultés que nous rencontrons sont sources d’évolution et d’opportunités plutôt que les conséquences néfastes de potentielles incohérences dans des décisions que nous subissons de plein fouet sans bien en comprendre tous les tenants et les aboutissants…

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La question de l’impact

Le confinement nous rappelle à l’ordre et nous inculque ce degré de responsabilité qu’il nous faut prendre soudainement. Tout à coup nous devons être responsable de notre santé, et de celle de nos voisins. Nous devons soutenir nos proches en évitant tout contact avec eux, et même nos collègues, clients et partenaires en suspendant nos activités. Soudainement il nous faut tenter de faciliter la mission des soignants et prendre en compte leurs conditions de travail. Du jour au lendemain, à l’apogée du libéralisme matérialiste et individualiste, de la course à la croissance économique et au profit personnel, il nous est demandé de revoir l’ordre de nos priorités, de penser à autrui, et de nous rendre responsables de l’impact de nos comportements et actions.

D’un coup de baguette magique, les gouvernements mettent en place un confinement et affirment que leurs citoyens se doivent d’être préparés à un bouleversement sans précédent de leur équilibre économique, social et psychologique. On prétend que ces mesures coulent de source et qu’il est donc normal de sanctionner tout manquement aux règles établies et communiquées avec la plus grande aisance, adresse, honnêteté et bienveillance (comme toujours, évidemment). Tout cela peut nous laisser songeur… Mais il y a plus…

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Quand les mesures seront levées, garderons-nous ce niveau de conscience qui nous est (apparemment) demandé aujourd’hui ? Resterons-nous si préoccupés par notre propre santé (l’étions-nous réellement, « avant » ?) ? Considérerons-nous notre impact sur le bien-être de nos voisins ? Penserons-nous à l’éventualité d’affecter une personne plus faible que nous par l’un de nos choix simples et routiniers (cela nous travaille-t-il vraiment, « d’ordinaire » ?) ? Serons-nous sensibles à la nécessité de partager, gérer, préserver les ressources (toutes les ressources), puisqu’elles sont limitées (avions-nous bien mesuré cette variable, dans notre « vie d’hier » ?) ? Considérerons-nous que l’impact que nous avons va au-delà même de notre environnement direct ? Que nos choix de consommation et nos modèles de société sont potentiellement capables de faire naître de toutes pièces des situations auxquelles nous ne sommes pas préparées (des maladies nouvelles, des catastrophes naturelles, des conflits politiques et sociaux…) ?

{Sur la question de la naissance du coronavirus et pour les anglophones, je vous conseille de faire un tour sur l’article de mon ami Seb, que j’ai trouvé fort de sens et de perspectives}

Sensibilité exacerbée entre quatre murs

De l’air !

Alors dans les méandres de nos incompréhensions légitimes face à cette situation et à tout ce qu’elle éveille en nos esprits, certains jours, le confinement nous fait… suffoquer. Certains jours, notre famille et nos amis nous manquent, notre absence de motivation pour les projets à gérer « depuis la maison » nous surprend, et tout ce temps offert et que l’on peut mettre à profit de mille façons semble nous glisser des doigts, comme le livre que nous tentons de lire, le dossier que nous essayons de traiter ou le programme sportif que nous nous étions promis de suivre. Mais ce n’est pas grave, demain ira mieux… ou sera similaire.

Il semble que nous manquons de perspectives à présent, alors qu’hier encore nous étions tous dans la course de nos vies, souvent en fonçant têtes baissées et en ne prenant de pauses que pour nous divertir plutôt que pour nous questionner. Est-ce parce que nous sommes obnubilées par les seules perspectives qui se trouventflanquées sous nos yeux ces jours-ci ? Celles d’attraper « le » virus, de faire la queue au supermarché, de remplir correctement nos attestations, de nous procurer un masque et du gel hydro-alcoolique, d’éviter une amende de 135 euros pour non respect des règles (ou pour « mal chance » aka mauvaise interprétation et autres abus d’autorité de la part de certaines forces de l’ordre) ? L’obsession des chiffres du coronavirus a-t-elle soudain restreint nos horizons ? Voyons-nous trouble, lentement dominés par la peur qui s’insuffle sournoisement et notre vague malaise quand certains détails malheureux pointent le bout de leur nez sous les apparences d’une gestion professionnelle et responsable d’une crise dont nous serions à la fois les victimes et les responsables ?

Des ressources…

Dans cette surchauffe émotionnelle, mentale et dans les difficultés que, peut-être, nous traversons en cette période (chacun dans nos circonstances particulières), nous manquons d’air. Nous avons besoin de souffler, de nous changer les idées. A chacun ses ressources… Mais clairement, pour nous tous, elles se retrouvent remises en question elles aussi. Certains gèrent habituellement leur équilibre grâce au sorties sportives, aux excursions en nature, aux visites culturelles, aux rencontres sociales, aux rassemblements festifs, aux divertissements multiples… Mais ce n’est plus possible pour un certain temps. Alors on se plonge (ou l’on essaye) dans des lectures, des films, des séries, des documentaires et toutes sortes d’activités d’intérieur, du ménage à la décoration en passant par le renforcement musculaire.

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Je ne sais pas comment cela se passe pour vous, mais ces derniers temps, j’ai tout de même du mal à me détendre véritablement. Comme beaucoup d’autres a priori, ma sensibilité semble exacerbée, et dans mes tentatives de livres ou de films, je me retrouve finalement à réactiver le flux de mes pensées et de mes questionnements. Mais après tout, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas revoir nos bases, nous souvenir de ce qui constitue nos vies et nos sociétés, ce qui les menace et les a déjà menacées auparavant, ce qui pourrait les faire basculer, d’un côté ou de l’autre… Pourquoi ne pas réfléchir à notre potentiel sur cette planète ? Potentiel destructeur, potentiel créateur, potentiel acteur, potentiel soumis…

Alors voici quelques ressources qui m’ont (de façon imprévisible) chamboulée dernièrement, et permis de remettre beaucoup de données en perspective :

  • Le livre poignant de justesse et d’ouverture intelligente : Petit manuel de résistance contemporaine, de Cyril Dion, ainsi que Demain (en film et en livre) ;
  • Les documentaires d’Arte sur l’intelligence artificielle, notamment « Tous surveillés – 7 milliards de suspects » ou encore ceux sur l’environnement, l’alimentation, la consommation…
  • Des films fictifs ou tirés d’histoires vraies, qui placent l’homme au coeur et mettent en question sa place dans le monde et dans les tournures prises par les sociétés au fil de l’Histoire : Divergente, Le Banquier de la Résistance, Invincible, Joker, Le garçon qui dompta le vent
  • Les articles du site internet indépendant et exceptionnel La Relève et La Peste

Finalement, nous réussirons à nous détendre pleinement plus tard… Peut-être. En attendant, et si cet état « d’alerte » était une chance pour notre espèce ? La chance de s’élever, de prendre du recul, de s’éveiller, chacun à notre niveau et tournés vers nos horizons ? Plutôt que de nous renfermer entre les murs du confinement, et si nous parvenions à repousser les barrières de notre propre mental, de notre propre système moral et psychologique ? Et si, dans l’inconfort de cette situation subie (disons-le cette fois-ci), nous pouvions tirer tout le bénéfice qu’il y a à sortir de notre zone de confort ?

Retrouver notre « confort » après le confinement ?

De quel système voulons-nous ?

Je vous laisse le soin d’écrire pour vous cette partie. Ou plutôt, je nous laisse le soin, à tous, d’écrire cette partie, pour nous tous. J’ai l’espoir que nous saurons écrire les prochains mois et les prochaines années avec inspiration. J’ai l’espoir que cette inspiration ne soit pas celle de la peur et de l’angoisse infligée par les médias et les idées divulguées sans cesse et par tous les moyens. J’ai l’espoir que cette inspiration vienne du fond de nous, soit emprunte de notre humanité la plus pure et la plus vive, de notre créativité la plus glorieuse. J’ose penser que l’Homme, cet être superbement doté de conscience et de capacités intellectuelles puissantes, peut avancer sur son chemin sans le détruire sous ses pas. J’ose croire que nous allons faire mieux que nous avons pu le faire, tant de fois dans l’Histoire, dans les histoires de nos peuples. En l’honneur de la vie, que nous nous souvenons être si précieuse lorsqu’on la voit menacée. Et en l’honneur de la planète qui l’abrite.

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Qu’y pouvons-nous ?

Nous pouvons courber l’échine face à tout ce qui nous est proposé / imposé au gré des intérêts politiques, mais surtout économiques, d’une micro-minorité. Nous pouvons au contraire nous noyer dans une colère ravageuse et devenir, plus encore, les victimes de systèmes profondément inégalitaires, frustrants, injustes et finalement, meurtriers. Ou peut-être y a-t-il d’autres alternatives. Peut-être vaut-il le coup de se lever pour les construire, les inventer, les partager. Peut-être en rassemblant nos forces, nous ne serons pas les faibles de cet ordre mondial chamboulé et de ces régimes dans lesquels la démocratie s’effrite et le fantasme de la sécurité infiltre avec brio des méthodes de gouvernement liberticides.

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