Rentrer pour un été, et rester voyageuse…

Retour en famille

La question du retour, bien sûr, je me la suis posée. Ou plutôt j’ai eu du mal à me la poser, alors que je croquais la vie en Nouvelle-Zélande, que j’avançais pas à pas vers un accomplissement que je n’avais jamais pu approcher auparavant. Après douze mois d’un chemin où j’avais appris tant, au creux de ma tente, dans le chant des oiseaux de la forêt, dans les reflets du soleil sous la brume, dans les rencontres humaines d’une richesse immédiate… Après tout cela je ne voulais pas qu’il y ait d’après, je voulais que tout continue, tout simplement. Je me disais que c’était trop bête de me faire la violence de tout arrêter alors que j’avais encore tant à parcourir sur ce beau chemin. Ma randonnée ultime. Je n’aime pas prendre la navette qui coupe la fin du trajet pour économiser ses forces. Sur le Tongariro Nothern Circuit, malgré une pluie battante, je ne l’ai pas prise, ni sur le Kepler Track, pour raccourcir les dix derniers kilomètres que j’ai tenu à parcourir comme une fusée mais à la force de mes pieds. Alors, dans la même idée, je ne pouvais pas me résoudre à prendre l’avion, là, directement pour la France, suite à ces douze mois en Nouvelle-Zélande.

Strasbourg et ses quais

Il y avait une réalité que je ne pouvais contourner : celle du visa. Le Visa Vacances Travail en Nouvelle-Zélande, c’était douze mois. Alors j’ai pensé que prendre un Visa Vacances Travail pour le gros voisin, à savoir l’Australie, serait un bon compromis. Et je l’ai fait. Et puis, malgré tout cet épanouissement et tout ce chemin parcouru dans ma vie, il y avait une autre réalité. Mes proches me manquaient. Pas la France, pas ma vie d’avant, mais ces gens qui, inlassablement, continuaient de m’aimer malgré la distance, de prendre de mes nouvelles, de s’enthousiasmer de mes aventures et de me confier les leurs. Leurs rires me manquaient, leur joie de vivre, leurs regards complices. Je ne pouvais que leur être reconnaissante de rester si près de moi malgré la distance et le décalage horaire. Et puis, ils avaient quand même commencé à me faire comprendre que moi aussi, je leur manquais. Eux aussi, ils voulaient me voir en chair et en os, c’est comme ça. S’ils n’avaient pas sonné l’alarme, je crois que j’aurais pu passer encore un certain temps sans penser à rentrer, en bravant ce manque pour plus de cheminement personnel. Mais je suis contente qu’ils l’aient sonnée. Il me fallait un petit coup de pouce. Et j’ai pris un aller-retour pour la maison. J’ai commencé mon visa en Australie en mars, avec la perspective de rentrer en France l’été suivant, soit moins de quatre mois plus tard.

Anaïs dans les Vosges

Quant au choix de rejoindre l’Australie, il n’était pas mauvais, loin de là, mais il ne fallait pas s’illusionner. On ne quitte pas la Nouvelle-Zélande avec nonchalance. Il y a des séquelles sur votre petit coeur, et je sais que je ne suis pas la seule. Alors il m’a fallu beaucoup de temps pour entrer en Australie avec le même entrain. Heureusement, j’y ai à nouveau fait de formidables rencontres et avec le temps, des découvertes stimulantes qui m’ont donné des idées pour la suite, après le retour en France. Mais tout de même, pendant ces premiers mois de mon visa australien, j’étais partagé entre ce (et ceux) que j’avais quitté(s) en Nouvelle-Zélande, et ce (et surtout ceux) que j’allais retrouver en France, après un an et demi d’absence. Alors j’ai vogué entre ces deux vagues en buvant parfois la tasse et en profitant du soleil Australien. J’ai commencé à me sentir vraiment bien en Australie alors que j’étais sur le point de rentrer en France. Dans le fond, tant mieux, puisqu’aujourd’hui j’écris de mon escale à Beijing, sur mon trajet de retour pour l’Australie, où il me reste quelques mois d’aventures sur le Visa Vacances Travail, et plein d’idées derrière la tête…

La Bretagne

Alors je me suis demandée comment se passerait cet été chez moi, et j’ai même appréhendé, longtemps. Me poserait-on des questions « dérangeantes », et saurais-je y répondre ? Je savais qu’entre mon absence actuelle d’activité professionnelle et mes nouveaux tatouages, on me regarderait en coin. Et puis, la hâte de revoir tout le monde l’a emporté. Dans le fond je me sentais tellement mieux dans mes baskets qu’avant de partir, je n’avais qu’à sourire et profiter des bons moments. Et au final, ça s’est passé à merveille.

Berlin

Oui, à merveille. Je le savais, et pourtant je n’avais pas réalisé que ce serait si bon d’être avec ma famille et mes amis. Là, depuis mon fauteuil d’aéroport, j’ai toutes les images de cet été en tête et ce tourbillon de retrouvailles sonne comme un bonheur rare. Et j’ai compris quelques petites choses, comme l’importance de ces personnes dans ma vie, et à quel point la mienne n’aurait de sens sans eux. J’ai compris que je pouvais imaginer vivre dans ce coin du monde à nouveau, un jour, plus sereinement que je ne le pensais. Que ce que je vivais en voyage actuellement n’avait pas à se perdre dans des souvenirs lointains, que je pouvais réinvestir cette expérience n’importe où, construire quelque chose en cohérence avec moi-même ici ou ailleurs. Je me suis dit qu’il n’y avait plus à angoisser pour cela, que je rentre ou non n’était pas la vraie question. Ce qui importait était que je n’aille plus contre moi-même, où que je sois. Que du mieux possible, mon sourire ait la même vérité qu’il en a eu tout au long de cet été avec mes proches, comme lors de mes vadrouilles aux antipodes.

Bruxelles

Il a pu être déstabilisant d’aller d’appart’ en appart’ de mes copains alors que je n’ai pas grand chose, de parler de leurs projets et de ce qu’ils construisent pour l’avenir, investissements, carrières, enfants, mariages… C’est vrai, si tout cela me rend toujours euphorique pour eux et si je suis heureuse de les voir prendre de l’aplomb sur leur propre chemin, parfois en me retrouvant seule j’ai pu me demander ce que je foutais dans mon bordel permanent, mes visas, mes emplois précaires, mes sacs à dos à porter, ma nouvelle tente, mon absence de projets d’avenir concrets… Et puis je me suis calmée, finalement. Dans le fond, chacun est maître de son chemin (dans la mesure du possible), et celui que j’ai entrepris me convient très bien pour l’heure. Ces émotions escarpées comme les sentiers qui me font rêver et ce quotidien changeant comme la météo dans les montagnes, j’aime ça. Je crois que je m’y suis habituée aussi. J’ai du mal à envisager autre chose pour l’instant.

Perpignan

Alors je suis heureuse d’être rentrée, d’avoir pris une overdose de rires, d’amour (et de fromage). J’en avais besoin, extrêmement (non, pas du fromage quand même). Ca m’a même apaisée, rassurée. La suite est devant moi, belle, prometteuse, où que ce soit sur cette planète. C’est comme en randonnée, il suffit de mettre un pied devant l’autre en essayant de ne pas tomber. Se relever si c’est le cas. S’arrêter pour respirer l’air pur, et contempler le paysage. Profiter de chaque instant, s’ouvrir à chaque rencontre. Et s’endormir en paix pour mieux repartir le lendemain. Ce retour à la maison fut une merveilleuse étape sur mon chemin. Merci à tous ceux qui m’y ont croisée. 

Quelques photos souvenir en suivant ce lien, pour une petite dose de nostalgie romantique…

Maman, Vosges

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Pensées de voyageuse

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2 Comments

  1. 1

    Hey merci pour ce beau texte je suis dans le même cas que toi du coup je rentre en France pour faire une surprise à ma grand mère qui compte beaucoup puis après quelques mois de taf je repars en Australie. Mon visa étant fini en NZ, malgres tous mes proches kiwis qui me disent de rester il faut avancer.

    • 2

      salut 🙂 tellement d’accord avec toi 🙂 merci pour ce commentaire, et oui il faut voir de l’avant, d’ailleurs c’est ce qu’un ami australien me répète sans cesse « always look forward ». N’hésite pas à me contacter par la suite quand tu seras en Australie 🙂 et en attendant surtout bon retour et profite bien de ce temps avec ta grand mère en particulier, et les autres. Cheers

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