Au coeur de l’Australie, ce rêve : Uluru, Kata Tjuta et Kings Canyon

Uluru au crépuscule

J’en rêvais depuis longtemps… Ce gros caillou au milieu du désert australien m’intriguait, et son nom, Uluru, laissait planer le mystère. J’avais aussi entendu parler d’un canyon fabuleux et de la ville perdue d’Alice Spring, dont l’appellation évoque une oasis au milieu de cette immense terre aride. Alors en me rendant à l’aéroport ce matin, dans l’aube de Melbourne, j’ai des palpitations. Cette excitation du voyage, que j’ai pris l’habitude de faire bouillir au fond de moi en restant calme d’apparence, je l’adore. Juste pour ce frisson plein de promesses, j’aime cette vie.

Champ près d'Uluru

Plongée au coeur du désert australien et découverte d’Uluru

J’avais décidé de me rendre à Uluru en avion, ce qui prend quelques heures depuis n’importe quelle ville majeure d’Australie, toutes situées sur les côtes, de part et d’autre de ce vaste désert rouge, l’outback comme on l’appelle ici. Il doit être assez spécial de s’y rendre en voiture, et de découvrir cet immense rocher plat après des jours de route rectiligne et sans le moindre relief… Mais je n’aurais pas fait cela seule, par sécurité d’abord et car cela coûte très cher. Alors que je patiente dans le minuscule aéroport d’Ayers Rock (le nom anglais d’Uluru), émue de mon premier aperçu du centre rouge et enchantée de l’accueil intrépide des mouches qui se collent par dizaines sur votre visage, vos cheveux, vos bras, vos paupières, vos oreilles, vos trous de nez… (enchantée serait-il le bon mot ?) Bref, à ce moment, je fais la connaissance de Simone, Italien, qui a réservé le même tour que moi. Nous avons choisi de partir quatre jours avec la compagnie Wayoutback et notre guide, Jake, nous fait bientôt monter dans notre mini bus. J’y rencontre David, Néerlandais, et Louis-Baptiste, Français, qui deviendront, avec Simone, ma fine équipe pour cette aventure.

Uluru

Jake ne perd pas de temps et nous voilà au pied d’Uluru, dont les reliefs fascinants nous ont rendus fort silencieux derrière les fenêtres du bus. Sous le soleil qui scintille, tout est rouge, le rocher, la terre, nous-mêmes… La végétation aux allures pastels vient juste adoucir la chaleur ocre de ce lieu mythique, classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. 348 mètres au-dessus de nos têtes culmine ce rocher au parois étonnantes, creusées de cavités, marquées de fissures et gardant même les traces d’anciennes peintures aborigènes. Nous comprenons vite que nous sommes très chanceux concernant notre guide, qui nous entraîne à coeur ouvert dans les explications culturelles et naturelles de ce lieu central pour les peuples aborigènes d’Australie. Chaque relief sur cette roche est la marque d’une légende, et de chaque légende découlent des enseignements historiques (la création du monde…), pratiques (comment mener la chasse…) et moraux (Jake nous donne des exemples touchant, notamment sur le respect pour les femmes, l’importance de prendre soin d’un homme après qu’il ait subi une punition, etc.). Nous sommes captivés. C’est comme un nouveau monde qui s’ouvre, avec une richesse incroyable, façonné par la tradition orale, ou Tjukurpa, mot qui désigne aussi la légende de la création du monde, ou « temps du rêve » pour les aborigènes. L’organisation des tribus, leur nombre incroyable et leurs langages, le rôle des hommes et des femmes, la chasse, les cérémonies, les animaux, les plantes, tout se révèle à nous petit à petit dans les cavités d’Uluru. Jake trace des dessins au sol pour illustrer ses récits, à la manière des autochtones Pitjantjatjara, l’une des tribus les plus importantes de la région.

Peintures aborigènes à Uluru

Bien sûr, et on pouvait se douter qu’il en viendrait là, nous finissons par écouter le récit désastreux de l’arrivée des Européens à Uluru, et même plus globalement en Australie. Ce n’est que tardivement qu’ils arrivent dans cet endroit reculé du pays, mais toutefois le tourisme se lance vers le milieu du XXème siècle, entraînant des conflits et débats à vous rendre honteux et tristes… Comme cette volonté des « blancs » de grimper sur ce lieu sacré, central et impraticable dans la tradition aborigène. Jake nous explique que c’est un peu comme marcher sur la table dressée par votre hôte lorsque vous êtes invité à dîner. Il y a de la colère dans ses yeux quand nous passons devant la file indienne de touristes qui, aujourd’hui, grimpe le long de cette corde fixée pour permettre l’ascension. Il y a quelques décennies, certains touristes se seraient également plaint de la présence des aborigènes à Uluru, déclarant qu’ils étaient laids et gâchaient leurs photos… Tout cela me dégoûte et m’attriste, évidemment.

Les myrtilles du désert

Jake nous demande de ne pas prendre pour un manque d’intelligence le fait que certains aborigènes que nous croiserons ne parlent pas ou peu anglais. Souvent, l’anglais est la sixième ou septième langue qu’ils parlent… Car oui, la langage aborigène, ou Anangu, comprenait auparavant plus de 700 dialectes. Il n’en reste plus qu’une poignée, suite à l’épisode abominable dans l’histoire australienne de la « génération volée ». J’en avais déjà entendu parler et j’ai du mal à contenir ma peine quand Jake nous l’explique. Entre la fin du XIXème et la fin du XXème siècle, les enfants aborigènes furent enlevés à leurs familles sur ordre du gouvernement australien, et replacés entre les mains supposées bienveillantes des « blancs », chargés de leur apprendre un langage, une culture et une religion nobles. Le traumatisme est le bouleversement évidemment irrémédiable de ces actes barbares comprend bien sûr l’oubli de tous ces dialectes qui étaient transmis par oral. Toutefois, Jake nous apprend un mot pour pouvoir communiquer avec ce peuple qui perdure sur ses terres : Palya. Cela permet de saluer et de remercier notamment.

Un arbre près d'Uluru

Vous l’aurez compris, pendant ces quelques jours, j’ai entrevu beaucoup d’aspects de l’Australie que je n’avais pas encore approchés. Mon coeur a fait des bonds dans tous les sens, et je me suis mise à regarder le sol que je foulais différemment. Je ne pourrais relater ici tous les sujets abordés ni toutes les émotions ressenties. J’essaye d’en donner un aperçu, en sachant qu’il n’y a rien de tel pour s’imprégner d’un pays que d’y prendre le temps de comprendre, écouter, sentir, admirer. J’ai laissé mon regard se perdre tant dans les peintures aborigènes et dans le coucher de soleil magistral sur Uluru, ma tête tourner à l’odeur des myrtilles du désert en fleurs et à celle du feu de bois le soir, ma respiration se ralentir dans l’apaisement du silence et du ciel immense.

L'aube à Uluru

Camper à l’australienne dans le désert rouge

Nuit dans un swagDeux nuits d’affilées, nous nous rendons dans des campings et y créons un énorme feu de bois autour duquel les soirées prennent des airs de littérature. Le feu favorise l’amitié, j’en suis certaine à présent. Nous y sommes mieux que nulle part… Nous installons notre campement d’une façon inédite pour moi puisque nous disposons nos swags en étoile autour du feu. Nos swags, oui. C’est un gros sac en toile de jute, un peu comme un sac à patates, auquel est fixé un matelas en mousse et une longue fermeture éclair. Il suffit de s’y glisser entièrement avec son sac de couchage et un oreiller, et de plonger les yeux dans le ciel pour être le roi du monde et s’endormir à la belle étoile. La grande classe à l’Australienne. J’adore ! Bien sûr j’entrevois la possibilité de me réveiller avec comme copains de swag venus me séduire un gros serpent ou une araignée velue… Mais ils ne me feront pas ce plaisir, heureusement.

Camping à Uluru

Kata Tjuta, ou les « nombreux dômes », curiosité voisine d’Uluru

Aux aurores, nous partons découvrir Kata Tjuta, deviné la veille dans le ciel flamboyant du crépuscule. Alors que le reste du groupe penche pour une courte promenade, nous choisissons la marche la plus longue avec LB, David et Simone, scellant notre statut de compagnons du désert. Dans des conditions climatiques idéales (ne dépassant pas les 30°), cela reste une balade plutôt facile mais non moins sublime. Le site est sensationnel et aussi incroyable qu’élégant. Des dômes rouges immenses s’élèvent du sol dans différentes directions, se croisent parfois, et nous marchons au beau milieu de ce décor. Nous cliquons sur la gâchette de nos appareils photos avec pourtant la conviction que nos clichés ne rendront jamais honneur à cet endroit exceptionnel.

Kata Tjuta

Jake nous parle des origines géologiques supposées du lieu, et aussi de larves qui se trouvent dans les racines d’un arbre et fournissent une nourriture idéale et riche en protéines… Puis nous nous endormons dans le mini bus jusqu’au prochain camping, aux portes de Kings Canyon, avec une escale dans un curieux endroit, un lac de sel… Et on a goûté, c’est salé…

Lac de sel près d'Uluru

Kings Canyon, le mirage se poursuit sous le soleil de feu

Le départ est encore plus tôt ce matin et nous entamons la montée de « la colline aux crises cardiaques » dans le noir, la lampe frontale allumée. Je suis trop heureuse de marcher avant l’aube et de découvrir ce canyon dans le levé du jour. Il fait frais et personne ne fait de « crise cardiaque », je trouve même ce nom un peu exagéré une fois arrivée en haut. Mais, paraît-il, les choses sont différentes en période estivale, quand il fait 45°. J’en conviens et me réjouis d’être venue en plein mois de juin. Bien sûr, l’aube est à pleurer de bonheur et nous découvrons Kings Canyon pendant de longues heures, dans la bonne humeur et malgré la fatigue de nos soirées joyeuses et de nos grasses matinées perdues.

Aube sur Kings Canyon

D’autres anecdotes parsèment la randonnée et nous passons aussi beaucoup de temps à rire dans ce petit groupe qui s’avère tellement sympathique. Plus tard dans la journée, nous faisons un arrêt à une ferme de chameaux et nous esclaffons en les montant, lorsqu’ils partent au trot. C’est le coeur un peu noué que nous rejoignons Alice Spring, dont nous n’aurons que la soirée pour profiter. A vrai dire, il ne semble pas qu’il y ait beaucoup à découvrir ici et se retrouver en ville après cette immersion de quelques jours dans le désert m’attire peu. Nous profitons d’un restaurant tous ensemble et nous nous séparons, nos chemins se divisant le lendemain.

Kings Canyon

Fleur à Kings CanyonJe me laisse dormir sur le long trajet qui me ramène à Uluru le matin. J’y passerai quelques jours de plus, seule, à profiter du calme du lieu, admirer ce rocher qui m’a donné envie de découvrir l’Australie bien plus encore, et penser à l’histoire des cultures de ce monde et des effets de leur rencontre. A me demander si les choses changeront un jour, et quel impact nous avons, aujourd’hui, en tant que voyageurs. C’est un vaste débat, je vous l’accorde…

Quelques dizaines d’heures après cette épisode de mon voyage en Australie, j’atterrissais sur le sol européen, où j’allais passer deux mois en compagnie de mes proches, quittés il y a presque un an et demi. Le retour en Australie étant prévu en septembre, il ne me restait qu’à profiter de cet été et des sourires de ceux qui m’ouvrirent les bras à mon arrivée, aussi heureux que moi de ces retrouvailles…

Voici un album photos aux couleurs chaudes… J’espère qu’il vous plaira autant qu’à moi !

Ombres à Kings Canyon

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