Divagations d’automne

Il y a ce moment où soudain, les couleurs et les lumières se transforment, où en mourant tout resplendit, où les adieux prennent des allures d’oeuvre d’art d’une tendresse déstabilisante. En automne tout m’appelle à la vie. Les feuilles qui tombent me promettent de rendre le sol fertile, de l’enrichir de la beauté d’avoir été qu’elles laissent partir avec amour. Les rayons du soleil entre les nuages me titillent de leur joie jamais égalée, et ce bout d’arc en ciel au détour des coups de vents m’assure que les plus grands mystères de nos vies sont les plus riches et les plus somptueux trains à prendre. Car nous les prendront ces trains, car nous serons la feuille qui tombe de l’arbre, l’air qui se raréfie, le froid qui givre à la fin du jour.

Puissions-nous faire nos adieux en brillant de mille feux, dans les couleurs les plus scintillantes et sous la brise la plus tendre. Puisse notre automne promettre un hiver paisible, qui laisse la place au printemps pour d’autres, et leur permette de sentir la chaleur du soleil. Nous le prendrons ce train et c’est là notre plus grand point commun. Nous l’avons déjà pris, ne serait-ce que pour arriver ici bas depuis ce qui nous semble être le néant. Pourquoi avons-nous si peur ? Pourquoi résistons-nous à ce que la nature nous fait observer année après année ? Pourquoi vouloir contrer la beauté des cycles ? Avons-nous oublié que nous faisons partie de ces cycles-mêmes, de ce monde, de cet Etre. La beauté n’a ni âge ni taille, nous la portons tous et la faisons naviguer avec nous. Comme les petits oiseaux dans le frais matin, comme les montagnes immenses qui nous laissent contemplatifs.

Dans notre besoin d’individualité, de construction de soi, de détermination d’une personnalité, d’une trajectoire « sociale » précise, dans notre besoin de nous « construire » et de nous « affirmer », laissons-nous parfois passer qui nous sommes vraiment ? Perdons-nous notre capacité à voir le monde tel qu’il est lui aussi, dans ses lumières et ses odeurs, ses chaleurs et ses hivers ? Nous sommes ce monde et il est nous. Nous sommes tous issus de la même graine, et retournons l’enrichir un beau jour. Car c’est un beau jour, oui, qu’il nous faut offrir la place nous aussi.

Pourquoi cela nous fait-il si mal et pourquoi notre désir d’être invincibles ? Pourquoi avons-nous si peur de méditer et de partir pour le plus beau voyage, celui au coeur de soi, au coeur de l’être, au coeur du monde, au coeur de ce « one love » proclamé par tant d’artistes et d’êtres humains à la sagesse trop peu entendue… ? Pourquoi choisissons-nous si souvent l’illusion au réel, le spectacle à l’expérience directe ? De quoi avons-nous peur, et combien de temps cela durera-t-il ?

Je ne pose pas ces questions comme si j’y échappais, loin de là… Moi aussi partir me fait peur, et voir les autres partir me tétanise. Moi aussi je me réfugie dans l’illusion du toujours et je peste contre les cycles et le temps qui passe. Et pourtant parfois, il y a ces moments d’éternité, de cette éternité qui n’est pas une illusion. Celle de l’amour, celle de la beauté, celle de la paix, celle de l’instant. Ce moment qui te saisit dans la bourrasque ou au creux d’un sourire, dans l’étoile filante ou la lumière à la cime d’un arbre. Il y a cette grâce de toute chose naturelle, de tout paysage posé là sans mot, sans explication, sans histoire. Posé là, devant soi, nous enveloppant de tout son être, nous y faisant à la fois exister plus que jamais et disparaître délicieusement.

Merci l’automne, de me donner tant d’opportunités d’avancer un peu sur ce chemin, ce chemin vers moins de craintes, plus de laisser partir, laisser être, laisser aimer, ce chemin qui accepte d’être ce qu’il est, avec ses creux et ses bosses, ses surfaces rigides et marécageuses, ce chemin qui tourne mais qui toujours se déroule, inlassablement, pour rejoindre tous les autres chemins et nous faire comprendre enfin, par expérience, qu’il n’y avait qu’un seul grand chemin, droit, clair, extraordinaire.

Que décembre soit ce mois d’apprentissage de la vie dans son essence la plus pure, dans sa beauté, son mouvement constant, sa transformation inlassable. Que décembre nous permettre d’être cette vie-là, plutôt que de la voir passer devant nos yeux avec mille et une craintes qui aveuglent nos perceptions. En arrivant au bout de 2019, que les moments tristes ou difficiles de cette année viennent enrichir le terreau de nos racines et que les bonheurs viennent resplendir sur les pétales de nos prochaines floraisons.

Let it be.

Et voici quelques photos à regarder en restant au chaud chez soi, en cliquant sur le lien

Vous aimerez aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués par une étoile *

Vous pouvez utiliser ces balises HTML et ces attributs: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>