Croisière dans les fjords de Doubtful Sound… Et le temps s’arrête.

Pêche dans le Doubtful Sounds

En arrivant à Te Anau, je me suis vite rendue à l’Office de Tourisme. Je voulais réserver une croisière sur les fjords, j’en rêvais depuis un an, et enfin j’y étais. Je commençais le Milford Track le lendemain, et je voulais donc réserver la croisière pour les jours suivants. Il n’y avait presque plus de disponibilités. Je suis tombée sur une kiwi adorable qui a tout fait pour m’aider à trouver mon bonheur. En discutant, j’ai senti que j’allais craquer… Oui, Milford Sound, une croisière de trois heures, un prix raisonnable, pourquoi pas… Mais il y a aussi Doubtful Sound, plus profond, plus haut, plus large, plus majestueux, plus loin, plus préservé, plus plus plus… On peut s’y rendre pour une croisière à la journée ou pour une croisière « overnight », comprenez départ le matin, retour le lendemain… Selon la dame de l’Office de Tourisme, il n’y a pas photo, et ça vaut largement le coup de choisir la croisière overnight… Bon, je voyais la liste des prix aussi et disons que ça me piquait un peu les yeux… Elle a appelé la compagnie la moins chère pour moi, qui propose le tour dans un bateau pour environ 70 personnes. Ils étaient complets sur les jours que j’avais de disponibles… On a alors appelé une autre compagnie, Deep Cove Charter, qui opère sur un petit bateau pour 12 personnes, pour 150 dollars de plus… Il leur restait une place. J’ai respiré un grand coup. Et j’ai réservé. Oui, forcément, quand on s’est habitué à vivre environ deux semaines pour 550 dollars, les dépenser dans une activité de deux jours fait tout drôle. Mais aujourd’hui je n’ai qu’une chose à dire : je n’ai absolument aucun regret !

Croisière à Doubtful Sound

Là tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté… (Baudelaire, « L’invitation au voyage »)

Après avoir garé ma voiture près du Lac Manapouri, j’ai vite fait connaissance avec le reste de l’équipage qui allait embarquer avec moi. Je suis notamment vite devenue amie avec Alice et Jérémy, couple Suisse en vacances ensemble pour plusieurs mois dans cette partie du monde. Nous avons pris un premier bateau rempli de touristes chinois pour traverser le Lac Manapouri. Puis, juste notre équipage de onze personnes, nous avons pris un mini bus pour environ une heure afin de traverser le col nous permettant d’arriver à l’entrée dans le fjord de Doubtful Sound. Les fjords sont en fait ces bras d’eau étroits qui se sont frayés un passage entre les montagnes des Alpes du Sud et se sont formés suite à l’érosion glacière il y a… bien longtemps. Evidemment il s’agit d’une région extrêmement pluvieuse (environ 300 jours de pluie par an) et l’eau en est son artisan, l’élément qui a façonné sa beauté unique. Cela rend sa découverte très compliqué à envisager, et c’est pourquoi cette région si hostile à l’installation des humains à un caractère à la fois si inquiétant et mystérieux, et à la fois si attirant, promettant un émerveillant sans pareil. « Doubtful » (au caractère très douteux) Sound, son nom même, laisse tout à fait entendre cela. Evidemment, c’est aussi l’un des lieux inscrits au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Ce n’est donc pas sans émotion que l’on a embarqué dans notre petit bateau, le Deep Cove Charter, ce jour-là.

Doubtful Sound

An arrivant sur le bateau, après avoir traversé le pont, nous sommes arrivés dans la salle commune, comprenant une petite cuisine, deux tables avec des canapés de part et d’autre, et évidemment le poste de commande du capitaine. Une douce odeur émanait de la cuisine et quelle ne fut pas ma surprise en voyant que le mousse était en train de faire bouillir de gros homards rouges… (« crayfish » comme ils les appellent ici). Petit à petit, chacun a été invité à découvrir sa cabine, à l’étage du dessous. C’est tout petit et il y a six cabines de deux personnes avec un lit à étage (je suis privilégiée et j’ai une cabine juste pour moi). La salle de bain est sur le pont, et le capitaine et le mousse dorment dans le couloir. Il y a un petit gout d’aventure dans ce luxe simple et convivial. Nous sommes un vrai équipage à présent et les conversations vont bon train. Nous venions donc de Suisse, d’Angleterre, du Kowait, de Nouvelle-Zélande et de France. Un joli mélange. Pour commencer en beauté nous avons donc dégusté ce homard frais, pêché la veille dans le fjord, avec des salades. Les fjords de Doubtful SoundQuelle détente… Ne plus se préoccuper de rien, être soudainement passive et se faire chouchouter en voguant lentement sur les eaux calmes de Doubtful Sound. Le temps était nuageux mais nous avions de belles vues sur les montagnes plongeant dans les eaux noirs et s’y reflétant avec magie. Nous avions l’impression d’être absolument seuls à explorer Doubtful Sound, et il y avait de quoi s’émerveiller. Le calme absolu de l’eau, les montagnes couvertes de végétation, aux falaises abruptes et aux formes majestueuses, les nuages dansant avec des rayons de soleil venus d’on ne savait où, tout était féérique. Les mouettes, quelques goélands, et d’autres oiseaux venaient tourner autour de notre bateau ou briser le silence de leur cri perçant, quelque fois. Il n’y avait qu’à s’ouvrir de tout ses sens, et se laisser porter…

Immersion au coeur de Doubtful Sound

Kayak sur Doubtful SoundQuand nous étions suffisamment avancés dans l’immensité du fjord, le capitaine a proposé à certains d’entre nous de partir explorer en kayak cette merveille, au plus près de l’eau. Alice, Jérémy, trois autres de nos compagnons de route et moi-même sommes donc partis, chacun avec un kayak individuel. Nous nous sommes éloignés du bateau pour un temps assez long et avons eu le temps de nous laisser envelopper par le calme intense de l’endroit. Croyez-moi, on n’est vraiment pas habitué à se retrouver entouré d’un silence si profond, seul sur un kayak, loin de la civilisation, et dominés par des montagnes à la végétation impénétrable… Le noir de l’eau sous mon kayak me sidérait. Les nuages étaient plus denses et la pluie a commencé à tomber, presque délicatement, sans bruit, sans vent, juste pour nous rappeler qu’elle était là. Ce n’était pas désagréable du tout. Juste magique. On discutait calmement, tout sourires, avec Alice et Jérémy, mais surtout on devait se rendre compte de la chance que nous avions.

Pêche à Doubtful SoundEt puis quand nous sommes retournés sur le bateau, nos camarades avaient commencé à pêcher pour le dîner… Moi qui n’avait absolument jamais tenu de canne à pêche, j’ai tenu à vivre cette expérience pour la première fois. Et loin de mon idée de la pêche (attendre des heures interminables avant qu’un minuscule poisson morde à l’hameçon), après une dizaine de minutes j’ai attrapé mon premier poisson ! Nous l’avons relâché, il était trop mignon, et probablement pas assez goûteux, pour servir au repas du soir. Quelque temps plus tard, j’ai soudain senti une pression sur ma ligne et ai commencé à la remonter… C’en était épuisant ! Il a fallu deux autres membres de l’équipage pour réussir à attraper un Blue Cod, que nous allions manger ce soir-là ! Mes camarades en avaient aussi attrapé quelques uns, mais j’avais de loin le plus gros de la journée ! Tout le monde m’a applaudi, et j’avais l’air ridicule ne sachant que faire avec ce poisson continuant de gigoter au bout de ma canne à pêche. C’était vraiment drôle, et je dois admettre que j’étais bien contente de ne pas avoir à me préoccuper de la préparation du poisson le soir-là… Oui j’ai encore du chemin à faire avant de devenir une vraie pêcheuse, mais en tout cas j’ai hâte de renouveler l’expérience.

Et la lumière fut !

Les otaries de Doubtful SoundNous passions donc un excellent moment tous ensemble et commencions à prendre nos aises dans cette nature sauvage, quand nous sommes arrivés au bout de Doubtful Sound, à la Mer de Tasman. Evidemment, la houle s’est un peu accentuée, mais surtout, le soleil est arrivé, parfait, chaud, et le ciel s’est éclairci. L’immensité de la mer, l’odeur du sel, la douceur du soleil… Mais ce n’était pas fini. Sur de gros rochers se prélassaient des familles entières de phoques, et plus loin une horde de Blue Pingouins, les plus petits pingouins du monde, faisait la brasse dans les eaux marines… Et là, soudainement, j’ai laissé échapper un cri en parlant avec Alice : « Un albatros ! » Il était là, majestueux, immense, volant autour de nous et s’approchant à seulement quelques mètres. J’avais découvert cet oiseau passionnant à Dunedin quelques semaines plus tôt, et il m’était donné de le retrouver, d’encore plus près, alors qu’il cherchait de la nourriture à ramener à sa progéniture…

Un albatros

Et puis finalement, ce sont au moins trois ou quatre différents albatros qui nous ont tenu compagnie ce jour-là, pendant un très long moment, jusqu’à ce que la lumière baisse et que le soir arrive. Nous avons sacrifié quelques poissons pêchés plus tôt pour les contenter et les admirer plus longtemps. L'albatrosIls se sont posés tout près du bateau plusieurs fois, avec cette façon extraordinaire d’arriver au ras de l’eau à toute vitesse, les ailes grandes ouvertes, et de littéralement marcher sur l’eau sur quelques mètres avant d’y entrer et de refermer leurs ailes… Les voir de près n’a pas de prix. Je n’ai jamais vu un oiseau à l’oeil si expressif et si charismatique, qui semblent vous toiser et vous dire qu’ils savent tout de vous et du monde qui vous entoure… D’accord, je vais peut-être un peu loin, mais quand-même, ils me font un effet certain. Je ne me suis pas lassée de leur spectacle pendant ce très long moment. Nous avons vu les deux espèces d’Albatros Royaux présents en Nouvelle-Zélande (les plus grand oiseaux marins du monde).

L'albatros

Quand ils sont enfin partis continuer leur propre périple, j’avais l’impression que mon coeur avait fondu sous l’émotion, j’étais toute rêveuse et admirative… Mais ce n’était pas la fin de notre aventure à Doubtful Sounds. A peine quelques minutes s’étaient écoulé quand tout l’équipage s’est soudain retrouvé sur le pont à l’avant du bateau, appareils photos près à s’activer… De nouveaux compagnons nous avaient rejoint pour notre plus grand bonheur. Les dauphins de Doubtful SoundOui, des dauphins ! Comme toujours lorsque l’on voit des dauphins, cela nous a rendu tout euphoriques. Qu’ils sont beaux et réjouissants, à sauter dans les vagues et jouer autour du bateau ! Le coucher de soleil approchait, et la lumière chaude et intime rendait le moment absolument spectaculaire… Après un dîner absolument délicieux et compAu coucher du soleilosé entre autre du fruit de la pêche, je suis restée seule sur le pont un long moment en attendant la tombée de la nuit, admirant les longs rayons du soleil couchant s’étirant entre les sommets du Fjordland. Le besoin de graver ces sensations dans ma mémoire pour toujours… De ne rien oublier de cette brise caressante, de ces animaux magnifiques, de ce calme envoûtant… Puis nous avons partagé quelques verres et des conversations chaleureuses, regardé un documentaire sur le Fjordland et rejoint nos cabines pour une nuit amarrée sur les eaux tranquilles d’un bras de Doubtful Sound.

Dauphin jouant dans Doubtful Sound

Demain est un autre jour

Je me suis réveillée dans la nuit et rendue sur le pont, les étoiles brillaient par milliards au dessus de ma tête et la voie lactée était d’une clarté merveilleuse… Tout était plongé dans un silence le plus parfait. Quelques heures plus tard, j’ai presque cru que j’avais rêvé, quand j’ai vu des pluies épaisses s’abattre sur les vitres du bateau… Les nuages de Doubtful SoundNous avions déjà commencé à naviguer sur le chemin du retour, couverts d’un nuage dense, et les premiers levés prenaient leur petit déjeuner dans une ambiance paisible. La pluie s’est ensuite calmée et nous avons découvert un Doubtful Sound bien différent de la veille mais non moins incroyable. Les paysages noirs et gigantesques de ces falaises immenses jouaient dans les ombres des nuages et s’enroulaient dans des brumes incertaines… C’était hypnotisant, presque intimidant… Arbres de Doubtful SoundMais le capitaine connaissait sa route parfaitement, et le mousse commençait déjà à cuisiner les homards pêchés la veille pour le prochain équipage. Tout était donc absolument normal dans l’équilibre du Fjordland… Nous n’avions pas vraiment envie de sortir de ce bateau ni de prendre la navette et le bateau nous ramenant à Manapouri, mais nous avons donc laissé la place aux douze prochains explorateurs.

J’ai souhaité une bonne continuation dans leurs voyages à Alice et Jérémy, tout aussi émerveillés et encore dans l’admiration de ces dernières heures particulières de notre vie, et nous nous sommes promis de nous retrouver. Avant de quitter Manapouri, j’ai mangé le homard offert au départ par le capitaine, car apparemment nous en avions pêché trop la veille !! Il y a pire comme déjeuner de voyageur…

Voilà, c’est pour ça que je voyage. (Pour manger du homard ? oui, aussi !)

Je vous laisse un album photos très loin de la beauté des paysages et des sensations éprouvées lors de ces deux jours dans le Fjordland, mais tout de même digne d’en évoquer le souvenir.

Cascade et fougères à Doubtful Sound

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Ile du Sud

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