Le Milford Track, ce rêve devenu réalité

Mackinnon Pass

C’était avant de partir en Nouvelle-Zélande, il y a des mois de cela… Je dévorais des sites internet, des articles, des livres qui parlaient de ce pays exceptionnel… Plusieurs fois, j’ai entendu parler du Milford Track comme étant une marche somptueuse, parmi les plus merveilleuses du monde, à parcourir en quatre jours. J’avais aussi lu qu’elle était très prisée et qu’il fallait s’y prendre tôt pour espérer obtenir sa place dans les huts. Puis, pour atteindre le Milford Track, il fallait se rendre dans le Fjordland, la région tout au sud de l’île du sud. Le Fjordland… ça me donnait des frissons tant j’avais hâte de découvrir cet endroit. Bon c’est tout de même un site reconnu pour son climat extrêmement pluvieux, et où les jours d’été sont rares. Mais cela faisait partie de l’aventure.

Quintin Falls

Je me souviens du jour où j’ai réservé ma place, c’était en mai. Je me suis connectée le matin de l’ouverture des réservations. Quelques heures après quand j’ai voulu réserver pour janvier ou février, c’est bien simple, il ne restait plus qu’une place disponible sur ces deux mois ! A raison de 40 places disponibles par jour, cela faisait donc un certain nombre de personnes ayant réservé en quelques heures. Mais j’ai donc eu ma place, le 18 janvier 2017. C’était étrange de réserver si en avance, mais au pire je pouvais toujours annuler si mes plans changeaient.

Il n’est pas possible de camper sur le Milford Track, les nuits se font en hut uniquement. Il n’est pas non plus possible de ne réserver qu’une partie des huts et essayer de faire la randonnée plus rapidement que ce qui est prévu par le DOC (Department of Conservation). On réserve donc les trois huts d’office, et il faut également réserver les transports au début et à la fin de la randonnée, puisque l’accès ne se fait qu’en bateau et que c’est un aller simple et non une boucle. Un peu d’organisation donc et un prix total (huts et transports) avoisinant les 350 NZ$ (environ 230 €). Mais peu m’importait.

Evidemment, la crainte d’être déçue est inévitable. Mais j’avais un bon pressentiment. Cela faisait presque onze mois que j’étais dans ce pays magnifique quand est arrivé le matin du 18 janvier. Jamais je n’avais été déçue par les randonnées que j’avais pu faire. Jamais je n’avais été blasée devant la beauté de cette nature exubérante. Tout s’était si bien déroulé que je n’avais pas eu à annuler cette randonnée. La météo s’annonçait à peu près bonne. J’étais équipée et un peu plus expérimentée qu’au moment où je lisais ces pages sur le Milford Track dans le Geo Magasine. Il n’y avait plus qu’à y aller.

Jour 1 : arrivée dans les terres humides du Fjordland

Bateau sur Te AnauJ’étais très calme en me levant ce matin-là, heureuse d’éteindre mon téléphone, satisfaite en fermant ma voiture et en mettant mon sac à dos sur mes épaules. Les autres randonneurs étaient déjà là, à attendre le bateau dans lequel nous avons embarqué peu après. Les nuages étaient menaçants, mais les montagnes tout autour du Lac Te Anau, que nous parcourions, étaient sublimes. J’avais un sourire énormes sur le visage, j’étais émue. J’ai rencontré quelques personnes du groupe dont un père et sa fille de onze ans, fière de s’atteler à cette longue marche. Mais comme je m’en doutais déjà, il semblerait que les kiwis naissent avec des chaussures de randonnée aux pieds… Et puis on a débarqué, environ une minute après le début de la pluie. Il ne fallait pas trop rêver…

Chemin humide du Milford TrackMais en fait, si, je pouvais rêver. J’ai tout de suite compris ce qu’il m’arrivait. J’étais en train de marcher dans la forêt la plus magique qu’il m’ait été donné de voir. Mon expédition à Stewart Island avait déjà placé la barre très haute, mais là j’étais encore plus éberluée. Ces arbres immenses, ces lichens, cette mousse, ce vert omniprésent, cette nature regorgeant d’eau, cette odeur enivrante, ces oiseaux mélodieux… Je n’aurais presque pas été surprise de voir des elfes apparaître entre les branches…

Ce premier jour de marche était en fait plus une introduction au Milford Track. Juste une heure et demie en terrain plat, peu de vues pour moi ce jour-là mais la distinction de sommets entre les nuages bas, puis l’arrivée à la hut, plus grande que toutes celles que j’avais pu voir avant en Nouvelle-Zélande. Un arbre du Milford TrackLes lits à étage sont individuels et il n’y a pas à dormir sur de longues plateformes entre des inconnus, ce qui est assez plaisant. Les dortoirs sont vastes, et la salle commune également, avec des plaques fonctionnant au gaz et un poêle à bois. Par contre, pour aller aux toilettes, il faut braver la pluie. Et en fait, celle-ci s’est transformée en un orage très impressionnant à mesure que la soirée arrivait. Quand le ranger, qui était une ranger, nous a fait son discours du soir, nous n’étions pas sûrs de pouvoir continuer le lendemain matin, et assignés à attendre 8h pour décider quoi que ce soit, jusqu’à ce que les contacts du DOC aient transmis le feu vert à la ranger. Soit. Nous avons passé une bonne soirée dans la hut, j’ai rencontré deux Australiennes adorables, qui venaient d’enchaîner avec deux autres marches de quatre jours chacune, sans pause. Et puis, comme cela fait aussi partie des moments que j’affectionne lors de ces randonnées de plusieurs jours, j’ai passé un peu de temps plongée dans mon roman, et j’ai rédigé mon journal.

Jour 2 : ravissement

Premières vuesLe tonnerre et les trombes d’eau ne m’ont pas empêchée de dormir à poings fermés, pas même que les ronfleurs de la hut. Les bouchons d’oreilles sont mes meilleurs amis… Il semblait que tout s’était arrangé puisqu’on pouvait apercevoir, haut eu-dessus de nos têtes, des pointes rocheuses acérées et des cascades dégringolant les sommets… Une surprise qui vous donne des fourmilles dans les jambes… Et puis à 8h, l’autorisation donnée, les premiers marcheurs, et j’en faisais partie, ont quitté la hut. J’avançais plus ou moins au même rythme que deux américains retraités passionnés de randonnée, partis entre amis, laissant les femmes à la maison. Nous nous sommes donc croisés plusieurs fois ce jour-là, partageant des « aaaahhhh » et des « ooooooh » plus que quelconque réelle conversation. La nature semblait heureuse de s’offrir après pluie. Il faisait frais, les premières vues entre les arbres étaient timidement sublimes, et j’étais surtout fascinée par le jeu des petits oiseaux, notamment les robins, moins peureux que leurs confrères, mais aussi les rifleman et les fantails. Des beautés.

Petit Robin

Reflet d'un picEt puis à l’extrémité d’un chemin en forêt, soudainement, les arbres se sont ouverts pour laisser place à un paysage incroyable. Cette fois-ci, je les voyais, et de près, ces sommets abruptes et ces cascades infinies qui façonnent le Fjordland… J’en avais les larmes aux yeux. Il faut y être pour le comprendre et le sentiment était bien au-delà de ce que j’attendais. Les heures suivantes se passèrent à marcher dans la vallée, entourée par ces sommets plongeants. Avoir le vertige d’en bas, se sentir toute petite, être privilégiée dans une nature presque intouchée… En deux mots, tomber amoureuse. Loin devant se dessinait le Mackinnon Pass, dont on atteindrait le sommet le lendemain. La montée s’entamait dès ce jour toutefois, sans trop de peine pour moi. J’étais contente d’arriver à la hut et de partager avec mes compagnons de route les émotions du jour. J’avais hâte du lendemain, et j’avais presque déjà envie de revivre cette journée… Mais je me concentrais sur ce bonheur d’être là à ce moment précis, et je savais que j’en garderais des effluves en me remémorant cette journée, et en la partageant.

Dans la vallée du Milford Track

Jour 3 : enchantement

La forêt magique du Milford TrackEn me réveillant ce matin-là, avant tout le monde mais tout de même pas si tôt (il était déjà 6h30), quelque chose me dit que je n’avais que trop dormi. Le ciel bleu et la lumière chaude du matin me le confirmèrent. Peu de temps après, j’étais dans les starting-blocks. J’étais la première ce jour-là, à entendre les oiseaux se saluer, à admirer la forêt magique dans les rayons de soleil du matin et à reprendre la montée vers le Mackinnon Pass.

Mais très vite, la tendance s’est inversée et j’ai gravi la pente dans un nuage épais qui ne me laissait apercevoir que quelques mètres à la ronde. Je ne me décourageais pas, ce pays m’avait déjà prouvé plus d’une fois que les meilleures surprises comme les pires pouvaient jalonner le parcours. J’ai continué avec deux sortes d’espoirs… Petit riflemanLe plus immédiat était que les conditions ne se gâtent pas, que le vent ne se réveille pas et que la pluie ne vienne pas rendre ce chemin glissant. Le deuxième, plus profond, était que ce nuage se lève et me laisse admirer l’un des plus beaux paysages du monde, selon sa réputation… Et puis ce petit oiseau jaune et vert, le rifleman, a soudain interpelé mon regard. Il était là sur le chemin, comme moi. Il semblait me faire la morale et m’encourager à rester optimiste. Je me suis assise, ils étaient deux ou trois, et je les ai observés, de longues minutes, attendrie, amusée. Ils sont assez durs à voir de si près normalement, mais ce jour-là ils n’avaient pas peur de moi. Après tout ils sont chez eux. Et puis ils sont partis, en direction du Mackinnon Pass, alors je me suis levée et je les ai suivis. Je ne sais pas si je devenais superstitieuse ou si je commençais à communiquer avec les oiseaux, mais j’étais sûre que quelque chose d’extraordinaire m’attendait.

Mignon petit rifleman

Le monument de Mackinnon PassAlors que j’atteignais le monument érigé en l’honneur du brave homme ayant découvert ce passage dans le Fjordland, Erez m’a rejoint, un peu dépité par ce nuage. Mais je lui ai dit que ça allait se lever. Et à peine ces mots prononcés, le soleil a commencé à se faire plus intense derrière les nuages, et quelques sommets se sont mis à jouer à cache-cache. On tournait sur nous-même en suivant les furtives apparitions « look here ! here ! there ! » On riait, on se sentait un peu bêtes… Et puis on est arrivés au sommet, et là le spectacle était ahurissant. Les nuages, calmement, se levaient. Mackinnon PassLe site était absolument magique, des minis lacs reflétaient les sommets escarpés tout autour, les nuages continuaient de danser, la vallée dans laquelle nous marchions la veille se dévoilait en contrebas… Nous étions infiniment chanceux. Il y a un abris équipé d’un réchaud à gaz, alors nous avons préparé du thé et un bon petit-déjeuner (mes mains étaient gelées, après cette dernière demie heure à prendre des photos). Mais surtout, et je dois absolument vous en faire part, il y a des toilettes au sommet du Mackinnon Pass, parfaitement situés, avec une fenêtre offrant la plus belle vue qui soit… Voilà.

Les nuages du Milford Track

Finalement, je suis restée plus de deux heures en haut du Mackinnon Pass, tous les nuages s’étant levés, le soleil inondant l’endroit et les autres randonneurs nous rejoignant petit à petit, un sourire béat aux lèvres et les yeux brillants. Le moment était parfait.

Magnifique vue

Puis j’ai repris la marche avec mes deux copines australiennes. La descente était superbe, le long d’une rivière qui dévale entre les roches et les arbres, toujours entourée de ces sommets vertigineux… Sutherland FallsEt comme si on n’avait pas été suffisamment impressionnés, un sentier supplémentaire d’une heure et demie aller-retour nous permis d’atteindre la plus haute cascade permanente du pays, Sutherland Falls, 580 mètres de haut… L’expérience était pour le moins rafraîchissante puisqu’on ne peut éviter la douche en s’approchant du pied de la cascade pour une photo. Les émotions fortes et la longue randonnée de ce troisième jour m’ont fait atteindre la dernière hut le coeur gonflé de belles images et l’esprit des plus apaisé. Ce soir-là, j’ai discuté avec Alice, jolie adolescente très avenante et sympathique, puis avec son père Michael, et enfin sa mère Helen et rapidement son frère, Jackson, plongé dans ce qui semblait être une liste de verbes à mémoriser… Surprise, ils sont Australiens également, et vivent à Melbourne. J’avais acheté mon billet pour Melbourne quelques jours plus tôt, et j’allais donc m’y rendre une fois mon visa en Nouvelle-Zélande expiré. Nous avons commencé à parler de l’Australie, et moi qui n’avais aucune envie de quitter la Nouvelle-Zélande, ils réussirent à me faire rêver de cette nouvelle destination en me parlant des six mois en famille qu’ils avaient passé à faire le tour du pays en camping… Et puis tout naturellement, à la fin de la conversation, Michael m’a demandé de lui écrire une fois le Milford Track fini, et de lui donner le numéro de mon vol. Il viendrait me chercher et m’a proposé de m’accueillir chez eux à mon arrivée en Australie. J’étais bouche bée. Je crois que cette journée fut l’une des plus belles de cette année merveilleuse.

Le soleil sur le Milford Track

Jour 4 : tous les plaisirs ont une fin, paraît-il.

Reflet sur la rivièreJe me suis réveillée déjà un peu nostalgique. Mais selon le ranger, nous étions probablement le groupe le plus chanceux depuis le début de la saison, puisque nous avions eu la météo la plus clémente aux meilleurs moments. Alors je ne pouvais que savourer ce sentiment. J’ai marché avec les deux américains ce matin-là, nous avions réservé le premier bateau. Le parcours était moins trépidant, et la pluie nous a rattrapés. C’était assez long et plat, la forêt n’était plus exactement la même, plus aérée, moins enchanteresse, et nous avions peu de vues. Mais je me suis dit que peut-être nous devenions difficiles, alors que j’observais le reflet parfait dans la rivière en traversant un pont suspendu, ou quand je me suis retrouvée face à Mackay Falls, très esthétique. Les sandflies (ces minuscules moustiques agressifs et infernaux) étaient présents également, près à prendre leur revanche sur leurs envahisseurs. Et ils gagnent toujours. D’ailleurs, l’arrivée du Milford Track s’appelle Sandfly Point, et une certaine déesse maorie y aurait libéré les sandflies afin de protéger le Fjordland, en faisant en sorte que les humains ne viennent pas s’y installer mais se contentent d’y passer. Bien vu…

Mackay Falls

Le bateau nous a conduits à Milford Sound et nous a laissé apprécier la vue sur ceux-ci, dans les nuages. Puis le bus m’a ramenée à ma voiture, qui m’attendait sagement. La soirée fut courte, je n’avais pas vraiment envie de penser à quoi que ce soit d’autre que ces jours magnifiques que je venais de vivre…

Cet album photo est l’un de mes préférés sur ce blog : je vous laisse le découvrir en suivant ce lien.

 

Les montagnes du Milford Track

 

Partager ce récit

Ile du Sud

Vous aimerez aussi

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués par une étoile *

Vous pouvez utiliser ces balises HTML et ces attributs: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>