Premiers pas dans les Pyrénées françaises, du côté de la Réserve de Néouvielle

Randonnée dans les Pyrénnées

Voyager dans son propre pays après l’avoir fait à l’étranger a quelque chose d’étrangement satisfaisant. C’est comme si après des envies de dépaysement, de découvertes inédites, de sensations nouvelles offertes par des climats, des cultures et une faune et flore qui nous étaient inconnues, on apprenait soudain à s’émerveiller de ce qui est sur le pas de la porte. C’est comme si on se rendait compte que ce que l’on croyait être un terrain conquis, un terrain foulé, si ce n’est par nous, par d’autres avant qui auraient glissé leur connaissance de ce dernier dans notre carte d’identité à la naissance, était en fait un fabuleux terrain à explorer, plein de ses nouvelles promesses et de mystères qui avaient à nous apprendre sur nos propres racines.

refuge dans les Pyrénées

Soudain, plus besoin de visa ni de passer par les formalités éreintantes des douanes chinoises ou américaines, il suffisait de prendre sa voiture (ou celle de mon ami Tanguy, en l’occurence), et de filer vers des horizons français où je n’avais jamais mis les pieds : les Pyrénées ! Non, je n’y étais jamais allée auparavant, il faut dire que c’est beaucoup trop loin de chez moi… Dit celle qui revenait d’un an en Nouvelle-Zélande… Mais comme ce n’était pas loin de chez Tanguy (qui du coup, n’a jamais mis les pieds dans le quart Nord-Est, alors qu’il revenait lui aussi de Nouvelle-Zélande, où on s’était rencontrés), et que nous étions tous les deux partants pour aller marcher dans « nos » belles montagnes, alors c’était parti. Oui, parce qu’il y a aussi, un peu, ce côté-là quand on voyage dans son pays… Comme une petite fierté absolument infondée quand on découvre des paysages grandioses, ce qui me surprend moi-même un peu… Je me dis que l’on confond le fait d’être naît sur des terres qui nous ont accueillies avec celui de les avoir créées. Encore cette propension humaine à se prendre pour Dieu qui nous fait penser que, quelque part, ce n’est pas étonnant que nous venions d’un si magnifique pays, nous qui sommes nous-mêmes des êtres si exceptionnels… Je charrie, je me permets, car je me suis rendu compte que j’avais moi-même cette légère satisfaction de découvrir des paysages au moins aussi beaux que ceux des antipodes dans mon propre pays. On a presque envie de féliciter les montagnes et tous ces lacs somptueux. « Good job beautiful ». Ou plutôt « beau travail ô mes jolis paysages ! », car oui, ce sont des montagnes qui parlent en français paraîtDrapeau NZ dans les Pyrénées-il, et donc on se connaît vraiment bien. En vérité, c’était avec un grand plaisir que nous prenions la route tous les deux lors de cet été de l’hémisphère Nord, des mois après nous être rencontrés de l’autre côté de la planète et avoir marché dans des montagnes chères à notre coeur en Nouvelle-Zélande. Ces retrouvailles, c’était presque comme avoir emporté un bout de notre périple magnifique du bout du monde à la maison.

 

La Réserve de Néouvielle

Le Lac d'Aubert

Puisque je n’ai pas la vocation d’être professeur de géographie, je dirais simplement que la Réserve de Néouvielle se trouve plus ou moins au milieu des Pyrénées, du côté français. Oui, je trouve cela assez fascinant, cette chaîne de montagnes à cheval sur deux pays voisins, ça rend la carte tellement poétique à lire, avec des noms français et espagnols qui se rencontrent amicalement… La prochaine fois, j’irai voir le côté espagnol, juste pour dire que. Cette réserve naturelle est à la fois très protégée (il n’y a que deux aires de bivouac où il est possible de passer la nuit, et il faut donc sortir des limites de la réserves pour poser sa tente où l’inspiration nous porte), et très fréquentée.

Lac de l'Oule

La petite station de Saint-Lary-Soulan, remplie de skieurs en hiver et de randonneurs et autres aventuriers en été, est un charmant point de départ pour des promenades à la journée notamment. Il y a de quoi satisfaire tous les niveaux de marcheurs, et on retrouve donc beaucoup de familles et de groupes sur les sentiers du Lac de l’Oule, des Laquettes ou du Lac d’Aubert, entre autres. Un peu moins nombreux sont ceux à se lancer dans les ascensions des différents pics, cols et hourquettes qui parsèment la carte. Hourquette, oui, charmant petit nom que je ne connaissais pas, peut-être propre à la région, comme quoi on peut apprendre du vocabulaire dans son propre pays.Lac de l'Oule

Avec Tanguy, on passa quelques jours à profiter des environs tranquillement, mais aussi à nous motiver pour une randonnée de trois jours. Ce pour quoi nous reçûmes l’aide précieuse de la Maison du Parc, à Saint-Lary, où une jeune femme très agréable nous mis entre les mains l’itinéraire d’une randonnée qui s’annonçait idéale pour nous, et dont le nom me laissa rêveuse et convaincue : la Symphonie des Lacs.

La Symphonie des Lacs

Nous aurions du les compter, ces lacs, car en trois jours je crois que je n’en avais jamais vu autant. Au moins, nous étions sûrs de ne pas manquer d’eau, ni pour la marche ni pour notre cuisine du soir près de la tente. Une eau bien souvent d’une pureté à défier tous les filtres… Entre du nouvel équipement de camping à tester pour la première fois et des rations de nourriture du combattant secrètes apportées par Tanguy, l’excitation était à son comble pour démarrer ces trois jours.

camping dans les Pyrénées

Pourtant, le premier jour sembla légèrement démarrer en boitant. Après avoir passé un temps indécent à émerger et nous préparer, nous entamâmes notre aventure bien trop tard pour les hikers aguerris des antipodes que nous croyions être… Puis, comme nous avions déjà réalisé le début du parcours quelques jours plus tôt, nous daignâmes prendre une navette pour couper les premiers kilomètres jusqu’au Lac d’Aubert… (je pensais que je ne mentionnerais pas ce détail, mais allons bon…). Enfin, nous montions vaillamment jusqu’à la Brèque de Barris, et profitions de vues d’ores et déjà sublimes en fournissant un effort plutôt trépidant, notre gros sac sur le dos et des rochers à franchir, parfois avec l’aide des bras.

Randonnée Lac d'AubertLe ciel se couvrait et l’orage avait été annoncé. En passant de l’autre côté, nous découvrîmes un long pierrier à traverser à flanc de montagne, avec au bout, celle que j’avais déjà redouté en lisant le descriptif, l’abrupte Brèche de Chausenque. La Brêche de ChausenqueEn même temps, comment pouvait-elle m’inspirer confiance avec un nom pareil et sa beauté sortie des foudres de Jupiter… Je ralentissais l’allure malgré moi, perdant du temps à la toiser en espérant qu’elle arrête de m’intimider de la sorte. Mais évidemment plus le temps passait plus c’est l’inverse qui se tramait à l’intérieur de moi, et le doute était né pour m’envahir d’un peu trop près. Tanguy, qui me connaissait suffisamment, avait bien compris… Et puis, nous croisâmes ce randonneur un peu désabusé sur ce pierrier sans fin qu’il venait de traverser dans l’autre sens, qui nous demanda où nous allions. Notre plan exposé, il se montra catégorique quant à l’heure tardive, le long chemin qu’il nous restait à parcourir et la probabilité de se retrouver en plein dans la brèche quand l’orage éclaterait, avec toute la gaieté que cela suppose, et surtout les risques. Ce sur quoi il continua sa route. Et Tanguy de me laisser patiemment prendre le temps de réfléchir et décider de la suite. C’est avec la boule au ventre que je conclus qu’on allait faire demi tour. C’est donc avec une grâce sans pareille que nous rebroussâmes chemin pour redescendre toute notre ascension et camper sur l’aire de bivouac, à quelques mètres du point précis où nous avait déposé la navette quelques heures plus tôt. En chemin, peut-être pour me rappeler que ce n’était pas si important de revenir sur ses pas dans un lieu si somptueux, une petite marmotte prit la pause en haut d’un rocher. Le camping apaise les coeurs, avec son crépuscule, sa cuisine au réchaud, son emplacement pas si plat qu’on ne le pensait puis son aube apportant les promesses d’un nouveau départ.

Petite marmotte

Nous avions décidé de couper notre trajet afin de rejoindre un point prévu sur l’itinéraire du deuxième jour. Ce matin-là, en longeant le Lac d’Aubert par sa rive opposée au pierrier de la veille, je pouvais apercevoir la même Brèche de Chausenque, dans une autre perspective. Sa raideur n’avait plus rien à voir avec ce que j’avais perçu la veille, et la dépasser me paraissait à présent tout à fait réalisable en toute sécurité. Je pestais intérieurement, ce qui semblait me donner de l’énergie supplémentaire. Comme quoi changer de point de vue est parfois indispensable… Mais aussi se faire un peu plus confiance, surtout lorsque l’on marche entre amis. Avais-je mentionné que l’orage n’était jamais tombé et qu’au matin, le calme était si intense que les reflets sur le lac semblaient figés et lisses, à se méprendre sur la limite entre l’eau et l’air ? Oui, je pestais.

Reflet miroir

Mais on ne peut décemment grogner trop longtemps dans un paysage pareil, et une fois atteinte la première hourquette du jour, nous parcourûmes des décors ravissants sans avoir le temps de nous en remettre entre chaque lac qui se dévoilait harmonieusement sous nos yeux. La journée fut simplement splendide et nous rattrapâmes même notre retard, si je puis dire, dépassant un col qui était prévu pour le lendemain. Cette décision fut la meilleure qui soit, car si l’on voyait les nuages avancer, non sans magie, entre les vallées d’où nous venions, le spectacle qui nous attendait de l’autre côté de ce col était à tomber. Cet enchevêtrement de lacs, de pics défiants les limites de notre vision dans l’horizon, avec notamment celui qui se dressait juste en face de nous, si parfait et esthétique, et les échos des cloches qui devaient s’agiter au cou de quelques troupeaux… On savait qu’on aller camper quelque part dans ce dédale onirique, et il ne nous restait plus que le bonheur de choisir notre rive de lac pour la nuit, puisque nous étions sortis des limites de la réserve naturelle.

Tanguy en randonnée

Randonnée dans les Pyrénées

Camping parfait

Je doute que nous ayons pu choisir notre emplacement mieux que cela. Je crois que je ne suis pas prête d’oublier cet endroit féérique, où nous étions seuls au monde et dans une paix absolue. Pour parfaire la soirée, la danse des nuages et du soleil vint se jouer sous nos yeux, faisant miroiter des mystères dans notre petit lac, dévoilant des rayons puissants entre les fibres du coton effilé de la brume, donnant aux arbustes timides des allures de sorciers… On avait beau être silencieux, tout nous parlait.

Crépuscule en altitude

Brouillard sur le lac

Je m’éveillai au petit matin après un repos des plus apaisants, et laissant Tanguy à sa grasse matinée, je partis en rendez-vous avec le lever du soleil, et marchai un long moment tout autour comme pour m’imprégner plus encore de cet endroit. Le rendez-vous fut plus qu’enthousiasmant et charmant, le soleil faisant même son apparition entre les branches biscornues d’arbres qui se détachaient à la cime d’une colline, et je retrouvai ensuite Tanguy pour finir notre périple, de l’énergie dans le coeur.

Lever de soleil

Matin dans les Pyrénées

Un ciel radieux couronna les efforts de notre dernière journée, dont la beauté des paysages n’avait rien à envier aux deux jours précédents, malgré l’afflux de marcheurs presque déstabilisant que nous retrouvâmes pour les dernières heures, causant même des bouchons dans la dernière descente. Même si comme vous, je préfère avoir la nature pour moi toute seule et ai toujours tendance à en vouloir à tous ceux qui ont osé avoir la même idée que moi, quelque part j’étais contente de me dire que de nombreuses familles choisissaient ce genre de vacances, emmenaient les enfants découvrir la montagne et s’émerveiller des lacs.

Lacs

Merci Tanguy pour le souvenir de cette superbe excursion dans les Pyrénées, et bonjour à toi de l’autre côté du monde.

Comme cet album photos vaut la peine d’être parcouru, je crois, il vous suffit de cliquer sur ce lien, comme d’habitude.

Pyrénées dans l'aube

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France

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