Travailler en ferme en Australie : se rapprocher de la terre… ou pas ?

Pommes

Le Visa Vacances Travail en Australie a une particularité bien connue de ceux qui le possèdent : c’est le seul pays où l’on peut postuler pour une seconde année de visa. Il y a une condition cependant : travailler 88 jours (3 à 5 mois selon le type de contrat, les circonstances, la nécessité de changer de lieu ou non…) en ferme. Quelques autres métiers sont disponibles comme ceux de la construction ou le travail dans les mines. C’est comme cela que des citadins pure souche comme moi se retrouvent à cueillir des fruits, conduire un tracteur, traire des vaches, marcher en bottes dans la boue sous le soleil Australien…

Alors que je travaillais dans un restaurant à Tocumwal, j’ai tout de même décidé de quitter mon emploi pour me rendre à Batlow, près des Snowy Mountains en Nouvelles Galles du Sud, où des cueilleurs de pommes étaient recherchés. J’espérais mettre un pied dans cette expérience, et commencer à valider des jours pour cette seconde année de visa… Je n’en ai validé que onze, la saison touchant en fait à sa fin et le travail s’arrêtant soudainement (contrairement à l’information qui m’avait été donnée).

Je ne ferai pas un long et haletant article sur ces deux semaines à Batlow. Toutefois voici quelques réflexions que j’en ai tiré…

Vaches en Australie

Les déboirs du backpacker en Australie

Je l’avais déjà remarqué au préalable, le terme de « backpacker » est assez spécial en Australie. Littéralement, un backpacker et quelqu’un qui porte un backpack (sac à dos)… Soit, je suis donc de cette race, comme les tortues et les escargots je suppose. Ce mot est très utilisé ici. Souvent, dans les premières minutes d’une conversation avec un Australien, cette petite phrase tombe « oh, so you’re a backapacker right ? ». J’ai toujours été un peu mal à l’aise avec ça. J’ai souvent senti un petit mépris, une légère exaspération, un préjugé peu valorisant dans cette expression. Sans trop le comprendre.

En fait je comprends mieux. Le backpacker en Australie est cet individu venu travailler en ferme et faire le travail dont les Australiens ne veulent pas au mieux, ou volant les emplois des Australiens dans les villes au pire. Entre les deux, il erre de place en place, cherchant les bas prix du supermarché et les activités touristiques gratuites, parfois malheureusement n’ayant pas un comportement exemplaire, dégradant l’environnement ou volant dans les magasins, imprimant ainsi sur le front des prochains voyageurs une mauvaise réputation. C’est une race croissante dans le pays, comme les autres fléaux (possums, etc). On s’en passerait bien. Certains ne maîtrisent pas même l’anglais (ah ces Français, ce sont les pires, n’en parlons pas). Bon d’accord, certains sont sympas, mais quand même, ils sont nombreux, très nombreux. Alors autant les faire bosser en ferme, on a besoin de monde, et ils sont prêts à bosser pour des salaires de misère afin d’obtenir leur fameux visa

Croyez-moi, la réalité n’est pas si mauvaise partout dans le pays, mais tout de même, il y a un sentiment désagréable dans le fait d’être appelé « backpacker », et je connais maintes histoires d’intégration difficile en Australie, de difficulté à se faire des amis australiens, et voire même de carrément se faire rouler… Je n’étais pas prête à cela, n’ayant jamais eu de telles impressions alors que je voyageais en Nouvelle-Zélande, et ayant été accueillie à merveille à Tocumwal à mon arrivée en Australie.

En arrivant à Batlow, j’ai compris. Batlow, c’est très joli. Ce minuscule village est perché dans les collines, entouré d’arbres aux couleurs d’automne. Et surtout au milieu des plus gros vergers de pommes du pays. Ils s’étendent à l’infini sous leurs toiles blanches… Autant dire que tout est centré sur cette activité. Il n’y a pas de tourisme, ou très peu. Alors la seule auberge de jeunesse de Batlow, évidemment, est là pour accueillir ces fameux « backpackers » venus travailler dans les pommes. Forcément, sans concurrence, le prix est relativement élevé, voire très élevé si l’on considère le niveau des prestations… Des installations absolument répugnantes, des dortoirs surpeuplés, des douches tièdes ou froides, pas de chauffage du tout alors que les nuits descendent sous zéro degré, une réceptionniste absente au check-in, des matelas vieux et inconfortables… Le bonheur… Ou la pire auberge qu’il m’ait jamais été donné de découvrir dans ma carrière de voyageuse. Sans compter les 100 dollars de caution demandés à l’arrivée et jamais rendus sous un prétexte foireux de calcul de prix réajusté après que je sois restée moins de quatre semaines…

Bon et si tu n’es pas contente à l’arrivée, tu peux toujours prendre ton sac, dormir dans la rue, et repayer le bus pour rentrer d’où tu viens le lendemain… Opération peu rentable, convenons-en, surtout par les températures glaciales du mois de mai dans les Snowy Mountains. Oui l’Australie n’est pas « que » tropicale.

Batlow le matin

Cueillir des pommes, puis en cueillir plus

Mais le boulot en lui-même, ça a donné quoi ? Alors dans ces conditions merveilleuses, et après que mes nouveaux compagnons de galère, pardon, amis de voyage, m’aient avertie que ce travail était « absolutely shit » (la merde absolue) et que « we are slaves » (nous sommes des esclaves), j’étais très impatiente de commencer…

Bon en vérité, je me suis plutôt détendue. Oui, c’est difficile physiquement, surtout qu’il faut grimper sur une échelle et la déplacer toute la journée. Oui, c’est mal payé car c’est au rendement, et évidemment je ne suis pas la plus rapide (de toutes manières il faut quelques semaines pour devenir efficace). Oui c’est assez hallucinant d’avoir des superviseurs asiatiques qui viennent me reprocher que mes pommes sont un peu abimées et me demander d’être plus délicate, et de surtout cueillir la tige avec le fruit… Mais en soi, après deux heures de travail le climat se réchauffe et le soleil rend la tâche plus agréable, les autres cueilleurs sont sympas, les pommes sont assez sympas également (elles ne se plaignent jamais, moi qui travaille normalement au contact de clients cela me fait une sacrée récréation) et très goûteuses (en onze jours je n’ai pas eu le temps de m’en lasser). Les journées passent vite, je pense à un tas de trucs et chante des chansons dans ma tête, ou parfois à voix haute. Et puis je fais du sport gratuitement. Mon seul vrai soucis a été la douleur d’une ancienne sciatique qui s’est réveillée au bas de mon dos, mais le travail s’est arrêté avant que je ne doive abandonner pour cette raison.

Sincèrement, le pire de ces journées était finalement de se réveiller dans le froid le matin et de rentrer à l’auberge glaciale le soir, en priant pour que la douche soit un peu plus chaude que la veille.

Cueillette de pommes

Au delà de cela, il y a tout de même certaines choses qui me dérangent… Apparemment, les pommes que l’on cueille sont envoyées dans d’énormes chambres froides où elles « dorment » jusqu’à l’année suivante avant d’arriver enfin sur les étales des supermarchés, probablement après d’autres voyages à travers le pays et au-delà… D’autre part, combien de pommes sont gâchées par jour, jetées car pas assez « belles » pour être vendues, pourrissant au sol… J’ai un peu la nausée devant cette façon de cultiver nos beaux fruits dans ces fermes gigantesques. D’oublier leur valeur nutritive et vitale pour en faire des produits de marketing, des dollars qui se multiplient…

Batlow

Mais il y a toujours de bons côtés

Oui, bien sûr, sinon je ne serais restée qu’un ou deux jours. Evidemment, le meilleur de ces deux semaines à Batlow fut de rencontrer des voyageurs dans ce même bateau, et de m’intégrer dans un groupe absolument exceptionnel, d’Italiens, Venezuelien, Français, Anglais, Taïwanais, Allemands, Néerlandais… Cuisine à l'aubergeNous avons passé des moments mémorables ensemble, à cuisiner, manger dans les assiettes des uns et des autres, rire, jouer au ping-pong… J’espère vraiment les revoir dans la suite de mon voyage en Australie.

Ping pongEt enfin, j’ai eu le temps de me dire que ce n’était pas si mal de vivre l’expérience d’un travail si exigent voire éprouvant au moins une fois dans sa vie… De comprendre cette chance que l’on a d’avoir fait des études, de se dire que tant de personnes ont ce métier au quotidien, de façon plus ou moins imposée, que dans certains pays la paye est vraiment dérisoire et même les enfants doivent s’atteler à la tâche…

 

Si vous avez bien calculé, il me reste 77 jours à valider si je veux postuler à ma deuxième année de visa. Je ne sais pas encore si j’irai au bout, et j’aimerais travailler dans de plus petites fermes, me rapprocher du côté sain et humain de cette expérience, mais je ne sais pas encore ce qui m’attend… Car après l’annonce de la fin de la saison, j’ai décidé de prendre le large. Sur un coup de tête, j’ai filé droit à Sydney afin d’entamer un voyage au long de la Côte Est, vers les tropiques et les plages de rêve… J’en reparle très vite !

Merci de m’avoir lue et voici les quelques photos de cette expérience en suivant ce lien. 

groupe-cueillette

 

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